Il est petit, il est japonais, il est beau
et très difficile à réaliser malgré
son apparente simplicité, c'est un haïku.
En fait, un haïku est un petit poème d'origine japonaise
qui se doit de respecter certaines règles strictes ; encore
parfois appelé haïkaï (nom d'origine), ce poème
est un tercet (il a 3 vers) de 17 syllabes réparties comme
tel : le premier et le troisième vers sont pentasyllabiques
et encadrent un vers heptasyllabique (donc 5/7/5 ; 5+7+5=17, le
compte est bon !)Je vous donne pour exemple un des plus célèbres
haïkus japonais écrit par un grand maître, Matuo
Bashô :
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Dans
le vieil étang
Une grenouille saute
Un ploc dans l'eau |
L'original
japonais est:
Fu-ru-i-ké-ya ka-wa-zu-to-bi-ko-mu mi-zu-no-o-to.
5-7-5, soit 17 syllabes.
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Mais
ce n'est pas la seule règle que doit respecter un haïku,
car il lui faut contenir un kigo, c'est-à-dire une référence
à la nature ou un mot clé concernant la saison ; l'esprit
japonais se trouve ainsi présent dans chaque haïku.
Enfin, preuve d'une réelle scission avec la poésie
occidentale, le haïku ne doit contenir ni rime ni métaphore,
car il doit être compris immédiatement ; seuls les
mots pris dans leur sens premier doivent révéler la
beauté du poème ; la réflexion n'a pas sa place
en cours de lecture car cette dernière, pour apprécier
le haïku dans sa globalité, doit être ininterrompue.
Vous l'aurez compris, un haïku est très simple dans
sa forme mais il doit être court et efficace, il n'y a pas
ici de développement possible pour l'auteur qui a une idée
en tête, il doit coucher sa pensée sur papier en un
nombre réduit de syllabes, et bien structurées qui
plus est ! Il a la difficile tâche de nous faire partager
une émotion avec très peu de choses en somme, là
est toute la difficulté de l'exercice. À titre d'exemple,
je trouve ce haïku de Yayu magnifique de simplicité
:
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J'éternue
et perds de vue
l'alouette |
|
Pas
mal, hein ? On a presque l'impression que l'auteur l'a écrit
immédiatement après l'avoir vécu, comme pour
nous faire partager sa déception.
Pour toutes ces raisons, un haïku peut être tout à
fait banal alors qu'il aurait pu être magnifique, et la différence
se joue à peu de choses : une vision, une tournure ou même
un mot inadapté suffit à passer de l'un à l'autre.
Il est assez étonnant que la pratique du haïku ne soit
pas plus répendue en Europe alors qu'elle est véritablement
frénétique au Japon ; À bien y regarder, un
haïku est simple à lire et à comprendre ; de
plus, il ne nécessite a priori pas de connaissances particulières,
car il se suffit à lui-même ; en revanche, la poésie
occidentale est bien plus compliquée et de fait bien moins
accessible ; elle ne possède pas de réglet précises
mais des codes qui doivent être connus ; elle ne cherche en
aucun cas la simplicité, au contraire, plus elle sera ardue
à déchiffrer, plus elle sera belle ; et même
si je force un peu les traits, avouez qu'un peu plus de haïkus
à l'école ou dans la vie de tous les jours serait
un réel bonheur.
Pour finir, il faut savoir que le haïku évolue ; et
de ce fait, on voit de plus en plus les règles de base être
transgressées ou légèrement modifiées
mais tant que le résultat est beau, on est content….
Voici trois liens intéressants sur le sujet:
- Haïku
& Co : brèves explications sur les haïkus, les
tankas et les renkus (ces deux derniers étant également
des formes poétiques) accompagnés de nombreux textes;
c'est clair, net et précis et ça tient sur une page.
- Haïku How ou
Ahapoetry haïku : De nombreux articles et haïkus tapissent
cette lourde page ; c'est en anglais mais c'est très instructif
car les réflexions concernant les haïkus sont trop peu
nombreuses sur le net, alors profitez-en.
- Le maître
et le haïku : Cette page contient un historique, des explications
et surtout des liens sur les haïkus; là aussi, tel un
haïku, c'est sobre mais efficace.
Je vous donne aussi l'avis
de Roland Barthes sur les haïkus.
Enfin, une petite sélection :
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Rien
ne nous dit
Qu'elles vont mourir
Les voix des cigales
Basho
Tombé malade en voyage
Mes rêves errent
Sur des plaines dénudées
Basho
Champs de colza en fleur !
Lune au levant
Soleil au couchant
Buson
Sur la cloche du temple
S'est posé un papillon
Qui dort tranquille
Buson
Quelle joie
De traverser à gué la rivière en été
Sandales en mains
Buson
Le serpent s'esquiva
Mais le regard qu'il me lança
Resta dans l'herbe
Kyoshi
Cerisier sauvage
Au bout d'une branche
Un village
Rinka
Sans amour
Je nage
En haute mer
Shoshi
De bouger il n'a pas l'air.
Pourtant il travaille dure
Son champ, le paysan!
Kyorai
Une fleur tombée
Remonte à sa branche
Non, c'est un papillon!
Moritake
Qui se soucie de regarder
La fleur de la carotte sauvage
Au temps des cerisiers?
Sodo |
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récents:
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Sur
la montagne enneigée
Quand le feu brûle
Monte un parfum de neige
Toshimitsu
Hiroshima en automne
Soudain un crépuscule
Couleur sanguine
Toshimitsu
Quittant mes lunettes de soleil
Je contemple
Montagnes et rivières
Toshimitsu
Un papillon
vole au milieu
de la guerre froide
Nakamura Kusatao
Luminescentes lucioles !
O ! lueurs des trains
Du temps jadis
Toshimitsu
sur les vitres
des traces de nez et de doigts
regardent la pluie
André Duhaime
Train du matin --
Entrant dans le tunnel
Tout à coup: mon visage
Marco Fraticelli
A moitié petite,
La petite
Montée sur un banc.
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